CR du stage par L Delalande
Le stage national Iaïdo qui s’est déroulé sur la commune du Bouscat, en périphérie de Bordeaux, a été une nouvelle fois apprécié de tous les pratiquants présents, par la qualité de l’accueil d’une part mais aussi, et surtout, par la qualité technique de nos experts japonais. La délégation japonaise fût constituée de Ogura Sensei, éminent technicien connu de tous, et de ses deux compagnons Aoki et Mitani Sensei, tous deux 8ème Dan Hanshi.
Jean-Jacques Sauvage Sensei a été le premier à prendre la parole pour exprimer, avec force, l’importance pour nous, pratiquants et passionnés de Iaïdo, de répondre présents lors des manifestations accueillant une délégation d’expert japonais. Ceux-ci, en effet, diligentés par les responsables de ZNKR, à la demande des français, n’hésitent pas à parcourir le monde pour tenter de nous enseigner les rudiments d’une discipline somme toute compliquée techniquement mais aussi spirituellement.C’est une discipline qui ne peut s’apprendre dans les livres ou bien à travers des supports vidéo, au risque d’en dévaluer le véritable sens.Considérer que ces personnes, bien loin de faire de la figuration, apportent à chacun de quoi progresser pour soi mais aussi, par effet de cascade, aux autres.C’est une véritable chance qui nous est donnée de saisir.Saisissons-la !
Ogura Sensei a pris à son tour la parole, abordant les principes du Iaïdo sur le plan spirituel et philosophique, appuyant bien ses propos sur la capacité d’enseignement, le lien de confiance qui se crée entre celui qui donne et celui qui reçoit.Pour la première fois, Ogura Sensei parle de la notion « Densho ».Selon lui, l’enseignement s’apparenterait à une tasse vide qu’on remplirait peu à peu du fluide de la connaissance, le jet matérialisant le lien entre les deux.Il est évident que ce lien ne peut exister si le contenant demeure hermétique ou percé.Il insiste sur l’importance de comprendre ce que l’on fait afin de mieux restituer, avec précision, un enseignement juste.
Les groupes ont été rapidement formés avec Aoki Sensei pour le groupe des Kyu, Mitani Sensei pour le groupe des1er et 2ème Dan, Ogura Sensei étant à la direction du groupe des 3ème au 6ème Dan.
Aoki Sensei fût désigné pour exécuter les démonstrations sous l’œil avisé de Ogura Sensei qui commentait et apportait tous les points techniques fondamentaux.
Dans le groupe des plus hauts gradés, Ogura Sensei a beaucoup insisté sur le travail du Kihon dans le but de former son corps à répondre aux difficultés techniques imposées des Kata. Il donne des axes de travail pour améliorer et optimiser les déplacements, coordonner l’armé du sabre avec le placement des hanches…
D’une manière générale, il n’a pas été très satisfait de nos déplacements dans les rotations.Pour lui, nous n’utilisons pas assez l’appui du pied avant pour faire pivoter les hanches et faciliter le déplacement du pied arrière.Trop de gens basculent le buste sur l’avant pour libérer le pied arrière et exécuter la rotation en deux temps au lieu d’un.Il postule dans l’idée qu’une rotation telle qu’il le démontre, ne peut être réalisée qu’en surélevant les talons légèrement afin de limiter la surface de contact au sol.Ce sont alors les hanches qui font le travail. Un outil pédagogique nous a été proposé pour améliorer ce travail de hanches et des appuis.
Il considère que les katas tels que nous les pratiquons manquent de crédibilité, dans la majorité des cas. Cela vient de plusieurs facteurs :
- Le regard n’est pas bien placé, problème d’appréciation de la distance, To ma( grande distance), Chika ma(distance courte), Chu ma(distance moyenne) ; - La compréhension du geste n’est pas garantie, manque de précision dans les coupes voire pas de coupe du tout ; - Les formes sont exécutées trop rapidement, il n’y a pas d’adversaire dans ce cas ; - La réalisation technique n’est pas coordonnée dans les rotations, le sabre devant monter en même temps que le corps pivote.
Un débat intéressant a eu lieu autour des notions Fumikae et Fumikomi.Fumikae consisterait à déplacer le pied tandis que Fumikomi est le pied qui participe à l’attaque.En reprenant quelques Kata, chacun a pu essayer de déterminer si tel ou tel pied était Fumikae ou Fumikomi.Un exemple intéressant sur Ushiro montre, dans la rotation du corps, le déplacement des appuis en Fumikae puis, dès que les hanches sont presque de face, le pied gauche « attaque » en se déplaçant légèrement sur la gauche et l’avant, en un mouvement Fumikomi.Dans le même temps, le pied droit se place également dans l’axe du genou, les hanches de face, le sabre est libéré en Nukitsuké.Il insiste également pour que, dans ce Kata et à partir du 3ème Dan, la rotation s’amorce dès le départ comme une toupie sans prendre le temps de placer les pieds derrière soi, à la manière de Atarito de l’école Shinden. Il est capable de réaliser la prouesse technique d’une rotation de 360° sur le genou droit.Puisqu’il est possible de réaliser cela, il considère qu’une rotation de 180° en un seul temps est tout à fait réalisable par le plus grand nombre.Il encourage tous les pratiquants à travailler de cette manière afin de tirer le sabre en un seul mouvement, en un seul geste.
Un autre débat s’est créé autour du geste de protection que l’on exécute au début du Kata Soogiri. Dès lors que le sabre est tiré en se déplaçant vers l’arrière pour échapper à la première attaque adverse, Ogura Sensei considère qu’il n’y a pas de contact réel pour recevoir le sabre ennemi.Pour lui, on dégaine à hauteur du front, sabre parallèle au fourreau, en une forme Ukenagashi mais sans recevoir et guider le sabre adverse comme dans le troisième Kata.Cette idée a suscité des réactions parmi quelques-uns et des interrogations au regard de ce qui a été vu ou entendu les fois précédentes. Comment explique-t-il cela ? La démonstration a été réalisée au Bokken.Une attaque franche portée de face et parée peut amener l’attaquant à riposter rapidement en une technique kiriage du bas vers le bas-ventre du pareur. Une attaque portée de haut en bas sans atteindre sa cible laisserait au receveur toute liberté de contre-attaque en un temps très court.Sans se soucier de sa sauvegarde, l’idée serait de prendre le risque de ne pas trop s’éloigner de l’attaque mais en la contenant afin d’éviter que l’adversaire n’enchaîne sur une autre technique.La réponse à une attaque sera d’autant plus rapide que la distance à parcourir est très courte (Chikama). Cette manière d’envisager la protection sans parer n’est pas nouvelle puisqu’on exécute cette phase intermédiaire dans toutes les rotations pour prévenir d’éventuelles attaques latérales.C’est à méditer et à débattre à nouveau.
Bien d’autres notions techniques ont été abordées durant ce stage suscitant de vraies réflexions et, parfois, des échanges animés.Toutes les ressources de Marie-Jo ont été nécessaires pour traduire instantanément et sans travestir les propos du Sensei, ces débats d’idées et ces considérations techniques.
Bonne humeur, sérénité, enseignement de qualité dans une ambiance cordiale et détendue, presque bonne enfant, seront les maîtres mots que j’emploierais pour décrire ce stage bordelais. Malgré leur état de fatigue, nos experts ont encore une fois fait preuve de patience et de dévouement pour donner le meilleur d’eux-mêmes, transmettre leur savoir-faire et pérenniser les vues qu’ils se font du Iaïdo, culturellement, spirituellement et techniquement. Merci a eux et à tous ceux qui ont participé à cet évènement.
Dimanche après-midi a eu lieu les tests de grade. Les résultats sont : Grade Nombre d'inscrits Nombre de reçus % de reçus 1er DAN 9 6 67% 2 ème DAN 3 3 100% 3 ème DAN 1 1 100% 4 ème DAN 4 1 25% TOTAL 17 11 65%
Merci à Bernard Grillot et André Junot Senseis pour s’être déplacés et proposer leur service en qualité de jury d’examen.
_________________ La voie du zen est la voie du maître d'armes.
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